Reflet dans un miroir…
Solalex, en 1980… ou 82… ou 83…
Enfin, dans les années 80. Les éïtîîînes ; « éïtîîînes, haz bîîîne » comme dit mon petit voisin.
On a laissé la voiture sur le parking à côté du Pinzgauer (à vos souhaits) du restaurateur.
Paraît que ça paie, maintenant, le parking ?
Direction, le Miroir d’Argentine.
On est en octobre, il est huit heures du matin, et on pèle de froid. Le mauvais temps des derniers jours a saupoudré de blanc la crête, tout là haut. Le soleil fait scintiller le délicat liseré de neige.
Petite approche dans la caillasse… en une heure, le soleil n’a pas progressé. J’ai comme qui dirait l’impression que nous serons bons pour nous geler les miches toutes la sainte journée. Quelle idée aussi, de grimper par là en octobre ! Même en juin ce Miroir vous glace, alors en octobre…
Arrivé au pied du Miroir, je réfléchis… ha-ha, me dites-vous, elle est bien bonne, celle-là !
Merci, mais je ne l’ai pas faite exprès, elle m’est venue toute seule.
Donc, c’est moi qui réfléchis.
Il y a trois zou quatre voies qui démarrent tici. Quelle est la bonne ?
On avait comme projet « la Directe ».
Pascale, ma copine…
Mais je vous vois venir, petits canaillous ! Vous vous disez déjà :
- Tiens ! sa copine s’appelle Pascale… C’est sa copine, ou c’est sa copine ?
Bon, comme je ne veux pas d’histoire avec qui vous savez (et si vous ne savez pas, ce n’est pas grave. D’ailleurs avec le temps, il y a prescription…quoique avec le beau sexe, on n’est jamais sûr de rien, donc prudence…) donc, comme je ne veux pas d’histoire, je mets tout de suite les points sur les zi et les pendules à l’heure.
Pascale est ma copine…
Enfin, une copine, quoi, si vous voulez.
Une compagne de course, sans plus et sans affinité. En tout bien, tout honneur, comme on dit bien que je ne voie pas le rapport du bien et de l’honneur avec tout ceci, sauf que peut-être un mâle bien acquis ne profite jamais.
Pascale, ma copine, a tout empilé : la polaire, la grosse veste, le bonnet… on ne voit plus que les yeux et le bout du nez rouge qui dépassent. Et la goutte au nez. Elle renifle. La goutte disparaît. Puis revient.
Pas très ragoûtant, la goutte, mais c’est comme ça. On ressemble assez rarement aux photos bc-bg des magazines penchés.
Et moi ?
Moi, tout pareil. La goutte au nez, la grosse veste, la polaire, le bonnet sous le casque. Bâché jusqu’aux yeux. Ne serait-ce les chaussons aux petons, on se croirait, dans les frimas du petit matin, à l’attaque d’une épouvantable goulotte carnivore de l’envers du Mt Blanc.
C’est qu’il fait froid, ici.
Je regarde et me dévisse la tête en tous sens pour repérer où démarre cette foutue voie. Quand tout à coup soudain, que vois-je ? qui ne brille pas dans l’absence de soleil ?
Un spit !
s-p-i-t.
Esse-pé-i-té.
- C’est là ! m’exclamé-je, triomphalement!
- T’es sûr ? demande Pascale d’un regard dubitatif.
- Tu me prends pour qui ? rétorqué-je avec assurage.
Le débat spit / pas spit n’était pas ouvert, les querelleurs les plus virulents n’étant pas nés ou étant encore à la mamelle, en attendant d’être à la Mamulle.
On spitait allégrement partout. C’était faire preuve de savoir-vivre et de bienséance. Mais attention ! Au tamponnoir et au spit de huit, qu’est-ce que vous croyez ?
A la vérité, j’étais déjà contre le spitage n’importe où, n’importe comment. Mais c’était une position de principe : j’étais contre les spits. En fait, dans la pratique, j’étais tout contre. Comme tout le monde. Et je mousquetonnais tout ce qui me tombait sous la main, pourvu que ça tienne. Et même si ça ne tient pas… une arabesque élégante qui descend du grimpeur directement au relais me paraît toujours assez démoralisante. J’apprécie qu’il y ait quelques intermédiaires, même douteux, même fantomatiques.
Ben voilà, c’est ça : je préfère le feston à l’arabesque.
Bref, je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, j’ai assez souvent remarqué un écart certain entre les positions de principe, les discussions académiques et la mise en œuvre des théories sur le terrain. Surtout quand ça va mal et que l’instinct de conservation reprend ses droits.
Ah bon ?
Vous aussi, vous avez remarqué ?
Pour en revenir à mes moutons, cette longueur d’attaque soit disant en 3 et 4 d’après le topo, si je me souviens bien, semble bien ardue.
Soyons clair : j’en bave des ronds de chapeaux. Même abstraction faite du froid aux mains, elle n’a rien à voir avec ce que j’attends. Après trois bons quarts d’heure d’une bataille qui n’a même pas réussi à me réchauffer, je fais monter Pascale.
Son vocabulaire est imagé : elle avance à coup de « putain », de « bordel », de « nom de dieu de merde » qui se réfléchissent sur les parois circum-voisines.
Elle arrête de nom-de-dieuser pour glapir.
- Je croyais que c’était facile, ton truc !
(Vous avez remarqué, vous aussi ? Les femmes, quand ça ne va pas, c’est toujours « ton » truc. Par exemple : « Pas terrible, « ta » course ». Elles pourraient dire « cette » course. Mais non, c’est « ta » course. Ou bien : « Elle est en glace « ta » pente » ; ou encore : « Il est pourri « ton » rocher ». J’ai beau faire remarquer que c’est autant « ma » course que la sienne, ça n’arrange rien, bien au contraire.)
- Ben, que je lui dis, on doit pas être dans la bonne voie…
Cette constatation déclenche une sérénade dont il est préférable de vous faire grâce, la Suisse étant un pays policé. Pascale donne de la voix, qu’elle a haute et claire.
La technique à mettre en œuvre est celle formalisée par notre camarade Richard W. Baïreuthe sous le nom de « Tétralogie » :
1- Traverser vers la gauche pour essayer de récupérer la bonne voie.
2- Se faire ch…
3- Se foutre la trouille.
4- Finir par où on aurait du commencer : redescendre et repartir du bon pied et du bon œil.
Fin du préambule.
La Directe est beaucoup plus tranquille, c’est de la voie couchée, de l’escalade à plat ventre, du 3, 4 avec quelques points par ci, par là. Beaucoup plus tranquille, mais de l’escalade. C'est-à-dire qu’il ne faut pas se louper, mon bon meussieu, sinon c’est quatre cents mètres à se râper le museau avant de terminer en bouse au pied du Miroir. Ca donne à réfléchir…
Un petit « clac » de temps en temps, des relais bien équipés, une escalade agréable, bien sur les pieds, de bonnes fissures, une partenaire rassérénée qui a remisé son langage de harengère à l’étal, mais le froid est toujours bien présent et Râ se fait attendre. Il musarde là haut sur la crête, à se chauffer au soleil, sans daigner jeter un œil dans cette paroi d’ombres et de frimas.
Distraitement, je mousquetonne le relais et, les pieds bien à plat sur le rocher, je me laisse aller en arrière, confortablement installé dans mon baudrier.
- A toi, vas-y !
Elle y va.
Bonne grimpeuse, bien stable, du rythme, de l’efficacité, de la sobriété dans le geste… Ca roule, mon petit Raoul.
La corde défile régulièrement dans le huit et je rêvasse aux corneilles. Je pense au soleil, là haut. Dans une heure, peut-être ?
J’ai froid aux mains et aux pieds. Heureusement que ce n’est pas très difficile.
C’est alors que…
- Alôôôrs ! ça vâââ ?
Presque jusqu’au plafond, que je sursaute. Presque, mais pas tout à fait, vu que je suis vaché assez court.
Heureusement.
J’évite ainsi de me cogner la tête, ce qui fait toujours mal. Puis je retombe sur la petite vire et sur mes pieds.
Derrière moi, que vois-je ?…
Hein ? que vois-je, derrière moi ?…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Derrière moi, je vois un type. Je ne sais d’où sorti.
« Et alors ? » me dites-vous, « Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ? des types, on en voit tous les jours. Il y en a plusieurs milliards sur la planète… »
Bin oui, mais quand même, un type, ici, sur ce Miroir…
- Mais… mais… mais…
que je bêle bêtement, la bouche en cul de poule, comme un mouton hors de l’eau. Le type ne grimpe pas, ne court pas, il marche. Il marche tranquillement sur le rocher, comme qui dirait un meussieu qui va chercher ses croissants le dimanche matin au « Blé en Herbe », la boulangerie du coin. Il marche tout seul sur le Miroir, comme le Christ sur les eaux du lac de Tibériade.
J’en suis tellement tout éberlué, tout ébahi, tout baba, que j’en oublie d’avaler le mou. Un rappel à l’ordre monte du bas : Pascale me fulmine une excommunication.
- Ben alors, bordel de merde ! tu l’avales ou quoi, c’te putain de corde ?
Pascale est charmante, mais quand ça ne va pas comme elle veut, elle le fait savoir. Cet électrochoc salutaire rameute mes esprits. J’avale.
Le type je ne sais d’où sorti arrive à ma hauteur.
- Fait pas chaud, que je lui dis.
Remarque idiote, vu qu’on est emballé jusqu’aux yeux, mais je ne vais pas entamer une dissertation sur la philosophie de Nietschze (Nietschze ? Nietszche ? P…, il aurait pas pu s’appeler autrement, celui-là ? je ne sais jamais où coller ce foutu « z »… Voilà, c’est Nietzsche, me dit le petit Robert, dictionnaire universel des noms propres) ou une palabre sur les mérites comparés d’un Fendant du Valais et d’une Roussette de Savoie.
Il me répond d’un accent traînant sur les dernières syllabes, avec les modulations appropriées. Pas de doute, c’est un enfant du pays de Vaud. La quarante-cinquaine sportive.
- Ben mouâââ, j’ai l’impression que c’est l’étééé !
Vu comme il est habillé, je n’en doute pas un seul instant. La description tient en trois mots ; pas un de plus : ticheurte, chorte, basquettes.
Et quand je dis « basquettes » c’est « basquettes », pas chausson d’escalade. Vraies basquettes pour le fouting (l’invention du djogging est venue quelques années après). Pas de montre, pas de chaussettes, peut-être un slip mais je n’ai pas vu.
Le meussieu vaudois me dépasse tranquillement, continue sur sa lancée et vingt minutes plus tard, disparaît derrière le liseré de neige marquant la fin de la paroi.
J’ai rêvé ou quoi ?
Pascale arrive au relais.
- T’as vu, qu’elle me dit, le type ?
Elle l’a vu aussi. Tout va bien, je n’ai pas rêvé.
- Ben quoi, que je lui fais, c’est un type… un suisse… c’est normal, on est en Suisse.
- Arrête de te foutre de ma gueule, qu’elle me fait, j’ai froid.
Je ne vois pas trop le rapport, mais bon, j’arrête de me foutre et je continue.
A force de tirer des longueurs, qu’arrive-t-il ?
A force de tirer des longueurs, il arrive que j’arrive en haut, les pieds dans la neige et la tête au soleil.
Le soleil, enfin ! Le soleil boude la paroi, et comme le soleil ne vient pas à moi, je vais vers le soleil.
Je gueule un « sorti ! » à m’en faire péter les cordes (vocales, bien entendu ; les autres, les pas vocales, faut pas les faire péter, au prix où que c’est…), pour bien montrer à Pascale, encore dans l’ombre quarante mètres plus bas, et dont on voit seulement le rond blanc du casque, qu’on est bien réellement sorti, qu’on peut se décorder, se déshabiller, ouvrir le sac, s’asseoir au soleil pour boire un coup et casser la croûte ; tout ça tranquillement, sans risque, l’esprit apaisé par le devoir accompli et donc sans faire les gesticulations et simagrées tarabiscotées que nous eussions dû effectuer, pour les mêmes opérations, si nous eussions été en pleine paroi.
- Vas-y, à toi !
J’avale à grandes brassées et je tire comme un sourd parce que j’ai envie d’en finir. J’ai envie de pisser…
- Ben, t’as qu’à… tu fais comme les chamois, ces gros dégueulasses qui pissent n’importe où dans la montagne.
Oui, mais voilà, les chamois, on ne les a pas habitué à pisser dans la faïence dès leur plus jeune âge. Nous autres, humains, sommes de petits délicats.
J’ai envie de me déshabiller. Frère soleil tape dur. C’est la montagne : à l’ombre, on pèle de froid ; trois mètres plus loin, on enjambe une crête, on contourne un petit éperon et on étouffe de chaleur au soleil.
Pascale arrive à son tour sur la crête. Le soleil, dans ses cheveux, la nimbe d’une gloire dorée.
- Ca ne se peut pas, qu’il me dit, l’autre, le lecteur.
Bon, encore un beauf’ complètement imperméable à toute poésie. Quel con… - Comment ça, ça ne se peut pas ?… Et pourquoi ça ne se peut pas, s’il vous plaît ?
- A cause du casque, qu’il me répond.
(Merde ! le casque ! j’y avais pas pensé…)
Alors ?
Alors on va dire que c’est une licence poétique.
Bien…
Mais qu’est-ce, me demandez-vous, bande d’ignares, qu’est-ce donc qu’une licence poétique ?
« On appelle licence poétique, la liberté que donne l’expression poétique de transgresser les normes dans certaines conditions » M. Aquien. Dictionnaire de poétique. Librairie Générale Française. 1993.
Voilà.
Maintenant, si on traduit en français de tout le monde, on obtient : une licence poétique, c’est un truc faux mais qui fait joli dans le texte.
Ben oui, quoi, si elle a le casque sur la tête, on ne peut pas voir le soleil dans ses cheveux.
Cette question licencieuse étant réglée, quelques vers de Mallarmé me tournent incidemment dans le ciboulot, à cause du soleil dans les cheveux.
« Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue… »
- Merdalors ! Ca va pas, non ? Qu’est-ce qui te prend, de tirer comme ça ?
« Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis… »
- Elle pendouille, la rouge ; égalise ! avale la rouge, putain…
Bon, j’ai compris, je remballe Mallarmé et mon sourire de bienvenue. Depuis le bas, Madame n’a pas cessé de me débiter des amabilités de cette farine. Qu’est-ce qui lui prend ?
Ah ! j’y suis… Madame « est dans les sangs » pour reprendre le langage fleuri du grand siècle. Madame a ses règles.
Il se trouve que le grimpeur réel, en chair et en os, est soumis à des nécessités physiologiques qui n’apparaissent pas dans les reportages inclinés des revues spécialisées.
C’est comme ça. Ca ferait désordre.
Bref, en l’occurrence, inutile de tenter quoique ce soit. Gentillesses, attentions, raisonnements ou coups de gueule seront accueillis par « la tronche ». Donc, faire gros dos et attendre fin averse en pensant à autre chose stop.
Le matos retrouve le fond du sac et la corde, si j’ai bien compris, c’est aussi moi qui me la tape ?
Oui, j’ai bien compris. D’ailleurs, c’est implicite.
« Et tes dégaines, Pascale ? tu prends tes dégaines ? »
Bon, bon, d’accord, je prends tes dégaines aussi… d’accord, d’accord…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mais puisque je te dis que je prends tes dégaines !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maintenant que tout est bien bourré dans le sac, je m’aperçois que j’ai laissé la bouffe au fond.
Je vide le sac.
Je récupère la bouffe.
Je remplis à nouveau le sac, sous le regard exaspéré de pascale.
Puis, comme il fait chaud sous le soleil d’octobre, je me déshabille : le bonnet, la grosse veste, la polaire etc… les chaussons… à tige haute, les chaussons, et à semelles oranges ; le top du top d’alors, de marque je ne sais plus.
Faudrait que je voie.
Ah ! la semelle orange… c’était une marque distinctive.
Semelle pas orange : le plouc
Semelle orange : le bon.
Donc, moi, j’avais des semelles oranges, bien sûr, non mais… vous me prenez pour qui ?
Avec ces chaussons, j’ai passé mon premier sette-a, niveau auquel j’ai plafonné quelque temps, puis comme après avoir plafonné on redescend, eh bien je suis redescendu. J’en suis maintenant au quat-sup et j’ai bien l’intention de ne pas m’arrêter en si bon chemin. Vous comprenez si j’y tiens, à ces chaussons…
Je les ai toujours, ces chaussons, conservés pieusement dans le fond d’un placard avec le matos d’un autre âge, et que je sors et dévisage périodiquement avec un rien de nostalgie dans le regard (Ah ! c’est plus comme avant… les spits, tout ça… Ah ! avant, c’était mieux. Avant, y’avait pas de spits, fallait engager, fallait en avoir. Tandis que maintenant, ah ! la, la ! les p’tits jeunes… pfff… tu leur presserais le nez, il en sortirait du lait… et gna gna gni et gna gna gna… vieux con, va… mon petit voisin a bien raison… t’es complètement has been, mon pauvre ami…)
Bon, alors les ballerines gainant le pied avec élégance et souplesse sont apparues peu après.
Tout ça pour dire que je chausse les basquettes.
Puis, comme il fait chaud sous le soleil d’octobre, Pascale se déshabille. Elle se met en chorte et en ticheurte… si ça vous intéresse, je pourrais vous décrire Pascale en chorte et en ticheurte, mais je ne pense pas que ça vous intéresse.
Ca vous intéresse ?
Non ?
Bon… je me disais aussi…
Mais quand même, je vous donne quelques indications.
Pour faire court, je vais utiliser une métaphore : la charlotte au chocolat. Très comestible, mais ça ne suffit pas pour déguster. Encore faut-il aimer la charlotte au chocolat. Et non seulement, mais il faut aussi avoir faim. Moyennant quoi, on peut se jeter dessus, la dévorer comme un gros glouton et en redemander.
Ceci dit, Pascale ne risque rien.
Elle ne s’appelle pas Charlotte.
Et puis, mariée, deux lardons… je ne me permettrais pas… d’ailleurs, son mari est plus intelligent que moi.
(Alors ça, ça me gonfle grave. Les intelligents, ils me paralysent. J’ose plus ouvrir le bec. Les intelligents, faut les subir. J’avoue que je préfère les cons même si, je l’avoue aussi, j’ai tendance à dissimuler cette préférence sous d’aimables harmoniques. Et puis, les cons, ils sont souvent plus marrants.)
Pendant ce temps…
Pendant ce temps, chez moi, mon chat filait une rouste au matou du voisin. Mon chat est une espèce de chat géant, ou plutôt un petit tigre, qui n’admet pas, comme tous les chats, qu’on empiète sur son territoire. Le chat du voisin, à la suite de manœuvres sournoises et circonlocutives, avait empiété. D’un coup de patte, il l’a à moitié étripé.
Le lendemain, le voisin, pas content, m’a présenté la facture du véto.
J’ai payé.
Pascale observe la paroi, reste coite, penchée vers le vide. Elle se mire ? elle s’admire ? elle rit de se voir si belle en ce miroir argentin?
Pascale ne s’appelle ni Marguerite, ni Stendhal, qui a passé une bonne partie de sa vie à se contempler le nombril dans une glace avec une passion quasiment obscène pour sa personne. Alors ?
- François, regarde !
Je la regarde.
Penchée au dessus du vide, dans la lumière douce du soleil d’automne qui met en valeur ses pleins et ses déliés, ses courbes et ses reliefs et qui dore sa peau d’un éclat chaleureux…
- Alors, tu regardes ?
Ma rêverie poétique est interrompue. Il semble que je ne regarde pas dans la bonne direction. D’un index énergique, elle pointe quelque chose, vers le milieu de la face…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’homme de Tibériade !
qui navigue vent arrière, sur ce lac vertical… le temps de commencer la descente et il nous aura rejoint. Je nous sens tout à coup très ridicule, avec nos cordes, notre matériel, nos casques et nos grosses vestes… il est parti après nous, il aura fait deux fois la voie, et il arrivera bien avant nous, et tout ça tranquillement, sans matériel, quasiment à poil.
Ah !… qu’elle est dure, la vie du grimpeur lambda…
Effectivement, il nous rejoint au début de la descente, nous salue d’un grand sourire et disparaît à la vitesse de l’éclair.
Le restaurateur s’apprête à monter dans son Pinzgauer (à vos souhaits).
- Alors, qu’il nous demande, bonne journée ?
(Je vous fais grâce de l’accent suisse du pays de Vaud. Trop compliqué à écrire.)
On lui répond que oui et on lui explique pour le gars.
- Ah ! mais c’est Marcel ! qu’il nous fait.
- Marcel ?
- Marcel Descimes, un guide du coin. Un numéro !… un jour, il a giflé un client parce qu’il faisait des histoires pour descendre.
Pourtant, il nous avait paru bien sympathique, ce Marcel. Comme quoi, hein… fiez vous aux apparences… un rustre, un brutal, un cruel, un sadique, qui n’hésite pas à maltraiter ses clients…
Franchement, on n’aurait jamais cru. Pascale en était toute retournée. Gifler un Monchu ! ciel, quelle horreur ! comment peut-on ?
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Imprimé le 25 juillet 2025 15:23