Grande Ciamarella : Face N directe - le braqueur braqué 16 - 17 mai 2025

Conforme au topo.
Au col Tonini, il existe un passage dans la corniche dans l'axe légèrement à droite (rive gauche) pas facile à imaginer depuis le bas. Ce passage permet de traverser la corniche sans encombre par une petite chicane traversant de la droite vers la gauche. Il permet de moins s'exposer que les solutions à gauche ou à droite.

Beau temps, pas de vent

Face en conditions idéales, ne serait-ce le premier verrou non enneigé, nous en reparlerons plus tard.

RAS, des dépôts anciens au pied de la face
Un départ de plaque difficile à dater dans la FN de la petite Ciamarella

Refuge 5h10
Sommet 10h10
Pied de la face 11h30 ?
Arrivée hélico 14h05
Modane 14h30

Il reste du bois, mais la hache a pris un sacrée coup sur le fil et devient difficile à utiliser...

C'est l'histoire d'un hold up qui finit mal ou du braqueur braqué.

La tranquille montée au refuge, l'ambiance sympathique avec les amis Italiens passés par le Mont-Cenis tout juste ouvert, rejoints pas trois des leurs au petit matin du samedi, sourire de la rimaye plus qu'invisible. Plus haut la neige semble tenir ses promesses dans toute la montée...
Seule ombre au tableau, ce petit verrou déneigé (un bout de rocher glacé d'1m50) qui ferme la face, tout tout tout en bas, juste au dessus du cône de déjection.
Bah, on verra bien, de toute façon, à cet endroit, c'est pas expo. Au pire, on pourra toujours déchausser ou passer en dérapage, moyennant une grosse glissade sur le côté...

Ainsi fût fait. Montée dans les temps imaginés, en charmante compagnie - merci devant pour la trace ! Météo décidée à tenir les promesses des prévisionnistes, neige plus amène encore que ce que pouvait laisser présager cette large face ouverte aux vents (et donc à des modulations de consistance aléatoires autant qu'avides de détournement de quarre et d'enfournages non prémédités)... C'est donc d'une spatule décidée que nous nous engageons dans la descente. Enchaînement de virages savoureux quoique mesurés (faut quand même rester lucide et ne pas se laisser aller à une goinfrerie de mauvais aloi dans ces parages, restons léger)... bref, le crime - nous en resterons à un hold up - était parfait, la montagne nous regardait sans broncher les mains en l'air, jusqu'au sommet du fameux ressaut...

Mais quoi, dessous, il n'y a plus rien... sinon 20-30 mètres entre 35 et 40° annonçant la transition entre la face et le cône de déjection. François s'y jette surf au pied... la réception brasse pas mal, c'est un peu intimidant mais pas trop, et ça donne plutôt envie d'aller voir si on ne pourrait pas rééditer le mouvement à ski plutôt que déchausser. Trois mètres plus bas c'est raide et la neige est trop dure pour espérer rebasculer en crampons sans sortir l'artillerie lourde (piolet éjectable ou longue remontée en escalier vers une neige plus propice).

Dix mètres plus bas, le ressaut n'est de fait pas très haut, ça doit pouvoir le... ah ben ça y est, c'est parti, juste avant que j'eus voulu donner le top départ...

L'effet de surprise combiné au poids du sac me fait partir en arrière. Pas le temps de terminer cette ébauche de back flip dont je serai par ailleurs tout à fait incapable, j'arrive sur le cul, le ski droit planté profondément dans la neige. La gravité, elle, fait son office et balance le bonhomme plus bas. La fixation ne veut rien savoir et résiste. Ca tire très fort dans le genou. Finalement, ça vient... c'est manifestement le ski qui s'arrache de la neige (et sans doute un ligament de son logement), dans un genre d'effet catapulte entraînant des acrobaties répétées et surtout sans plus aucun contrôle. Nouveau plantage de ski. Re-Aîe. Troisième répétition d'une situation douloureuse dont le comique commence à s'essouffler pour de bon.

En bas, le bilan est clair. Le bonhomme est debout mais le genou droit n'est plus capable d'encaisser le moindre appui. La descente s'arrête là. Pas de réseau. François m'aide à me stabiliser hors du cône, une quarantaine de mètres plus bas et dégringole chercher les secours.

Il est 12h15. Je devine déjà qu'il ne trouvera pas de réseau avant 1h, 1h30... arrivée de l'hélico estimée au plus tôt à 14h00.
Je me prépare psychologiquement à une apparition beaucoup plus tardive, histoire d'éviter les mauvaises surprises. Je prépare une petite terrasse pour y caler mon sac et m'isoler de la neige, enfile tous les vêtements chauds à ma disposition, ouvre les chaussures en prévision du moment où il faudra extraire le pied droit, sort de quoi grignoter ainsi que la trousse de secours, tente de strapper le genou. Le reste se passe entre méditation, grands mouvements des bras pour ne jamais se laisser prendre par le froid, séchage des gants et des vêtements au cas où il faille attendre tard en soirée...

14h05, un bruit caractéristique de libellule mécanique, qui cette fois, n'est ni celui d'une coulée, ni celui des avions partis de Lyon ou Genève... Un immense merci à François pour son sang froid et son efficacité dans l'appel (de fait, pas de réseau avant le refuge des Evettes) et un plus grand merci encore à l'équipe du PGHM de Modane sans qui... la nuit aurait été plus que froide...

Quant à la victime du hold up, la montagne, pour se venger, elle a gardé une paire de ski en état de marche... Ils sont restés plantés là-haut, au niveau de la rimaye... et feront peut-être des heureux : quelque chamois ou braqueur de pente plus habile que moi pour les détournements de fonds neigeux...

à suivre...