Avis Météo-France Chamonix : dangerosité manteau neigeux actuel ou à venir

Ces derniers jours de 2013 ont vu d’assez nombreux accidents d’avalanches, dus d’une part à la fréquentation (période de vacances), d’autre part à la particularité actuelle du manteau neigeux.

Rappel de la situation dans les Alpes du nord : les chutes de neige de novembre (plutôt faibles) ont été suivies de plusieurs semaines de beau temps, qui ont conduit leur transformation en une couche de neige de type gobelets (ou de gros grains à faces planes) dans la plupart des pentes, sauf en versant sud où la neige a fondu ou s’est transformé en neige de printemps. Depuis, il a neigé sur cette couche de neige sans cohésion (qui ressemble à du gros sucre en poudre). Le manteau neigeux a donc une structure peu stable et des déclenchements d’avalanches de plaque sont probables, comme l’ont montré les récents accidents.
En Haute-Savoie, les quelques épisodes de pluie jusque vers 1800 m ont assaini le manteau neigeux à basse altitude. La haute montagne (>environ 3000 m) est aussi bien plus saine (neige souvent durcie par le vent).
Il ne s’agit pas de classiques « plaques à vent », situées souvent près des crêtes ou derrière des ruptures de pente, mais tout simplement d’un manteau neigeux sensible au passage d’une ou plusieurs personnes (à ski, à pied, etc.), ce qui est possible un peu partout.

Ces derniers jours, des accidents se sont produits, mais des pentes assez raides ont aussi été skiées sans provoquer d’avalanche. On peut expliquer ces cas, qui semblent laisser croire que le manteau neigeux n’est pas si dangereux que cela, par le fait que la couche de neige qui est posée sur la couche de gobelets n’est pas encore assez épaisse, ou n’a pas assez de cohésion pour que l’avalanche se déclenche.
Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être pas demain ou dans quelques jours : une pente pas « mûre » pour l’avalanche peut le devenir à la prochaine chute de neige.

Attention, la présence de la sous-couche en gobelets va persister.
Vu les prochaines perturbations attendues, on peut s’attendre dans un futur proche à une persistance d’un danger marqué de déclenchements de plaques.
Des déclenchements de plaque de forte épaisseur et de grande largeur seront possibles, même loin des crêtes.
Des déclenchements à distance seront possibles.
Des déclenchements dans des pentes déjà skiées seront possibles.
Nous n’avons pas connu de situation aussi piégeuse depuis plusieurs années.

Statistiquement, les manteaux neigeux peu épais sont piégeux, accidentogènes.
La situation pourra s’améliorer plus tard dans l’hiver, soit s’il neige abondamment jusqu’à ce que les gobelets soient enfouis très en profondeur, soit, cas moins probable, s’il pleut de manière importante jusqu’à des altitudes élevées.

L’inventaire des accidents concernant cette situation dans le sujet : /viewtopic.php?pid=1915551

Posté en tant qu’invité par LAU:

Bonjour,

Si je peux me permettre, une question me taraude l’esprit et je me permets donc de vous la poser ici.

Croyant comprendre qu’il faut à la fois une couche « faible » et une couche d’une certaine densité (e.g. type plaque) au dessus de cette couche « faible » pour qu’une avalanche se produise, je me demande comment une avalanche peut se produire sur une couche homogène dure du sol à la surface (e.g. une piste damée), après un seul épisode neigeux?

Cela voudrait-il dire que deux couches de neige distinctes se sont formées pendant ce seul épisode neigeux sur la seule et initiale couche dure?

Merci!

Et oui. Il suffit qu’il neige sans vent au début de la chute, puis avec du vent. Ou qu’il y ait eu du vent juste après la chute. Ou que la température soit très froide au début avec chute faible, puis que l’intensité augmente et la température aussi (ce qui donne de la neige avec cohésion sur du duvet).
Mais ce n’est pas nécessaire.
Même lorsqu’il neige de façon homogène, le temps que la fraiche s’accroche à la sous-couche, c’est souvent suffisamment fragile pour pouvoir être déclenché en plaque. Souvent ça stabilise assez vite : il faut skier pendant qu’il neige pour déclencher une plaque. Mais parfois (et selon la pente) ça met 6h, 12h, 24h, 48h, 72h à stabiliser.
Par ailleurs, une piste damée peut se recouvrir de 1mm de givre durant la nuit qui précède une chute de neige par exemple. Pour une pentes damée par le vent, moins fréquentée qu’une piste, souvent ça faceplanise en surface. Une fois recouvert de fraiche, on a une couche fragile de qq mm.

N’importe comment la couche de gobelet ou face plane ou vieille neige tant qu il n’y aura pas un gros redoux ou même des quantités énorme de cumul de neige fraiche,cette couche pourrie restera en face nord une grande partie de l’hiver ,alors il faut réfléchir aux prochaines courses surtout en face N ,et ne pas dire qu’ils sont passés…pourquoi pas moi , je me rappelle que quand je m occupais du déclenchement de Celliers au col de la madeleine et de la nivo d ailleurs qui n est pas une science exacte…Une fois j’ai balancé une charge de dynamite dans un couloir et rien n’est parti, puis aprés des skieurs s’engagent et se font embarqués par une avalanche cela prouve qu’il peut y avoir plusieurs personnes qui passent au même endroit et le 20eme se fait prendre alors que celà soit plaque à vent ou plaque friable qui arrive à partir naturellement après quelques jours sauf en face Nord elles peuvent rester plus longtemps s’il fait froid celà reste dangereux ,mais le plus dangereux c’est une couche pourrie comme actuellement en face Nord,bien sur en sous-couche alors comme dit nivo 74 et là je suis d’accord avec toi il y a danger il y a eu déjà des années ainsi je vais être pessimiste mais cela a été des saisons meurtriéres…bonne saison quand même et meilleurs voeux…
C’est de la part de mon ami Christian.

Posté en tant qu’invité par Vigipeuf:

J’ai exactement le meme ressenti et la meme opinion sur le manteau actuel. J’ajouterais meme encore autre chose: il y a, juste au-dessus de la couche fragile merdique, une couche assez fine pas mal dure, que j’appellerai la coquille d’oeuf. Cette coquille d’oeuf a une cohésion assez bonne avec la couche encore au-dessus.
Cette coquille permet d’obtenir une certaine stabilité en fait…tant qu’elle n’est pas cassée. Je pense que c’est ce qui explique que certaines faces pentues qui ont été skiées ne sont pas parties. Cependant, je préfère écrire « pas encore parties ».
Elle a par contre des gros points négatifs:
1- elle pète facilement, du coup dès qu’elle casse toute la neige du dessus se retrouve en contact direct avec la couche merdique, juste après s’être affaissée, ce qui donne un petit élan pour bien glisser sur ce tapis roulant de merde.
2- une coquille quand elle casse, la fissure n’est pas juste au point de rupture, la fissure se propage, ce qui dans le cas d’un manteau neigeux, provoque des propagations ou des déclenchements à distance.
3- elle constitue un gros frein pour que la couche pourrie se transforme. En effet, la couche pourrie pourrait se transformer grâce à un gros redoux, soleil ou pluie, mais cette coquille constitue un véritable écran. Pour les transformations sous la pression, c’est pareil.
4- cette couche merdique + coquille est pas mal homogène, ce qui la rend indécelable car elle a quasi parfaitement suivi le relief d’origine, il n’y a pas d’accumulation etc…

Tu as des stats sur le fait que de la croute (car ç’en est) entre des gobelets et de la poudre génère plus de risque que juste la poudre sur les gobelets ?
Il y a qqch qui est certain : la croute rend les plaques moins déclenchables, et les pentes se sont moins purgées naturellement (jusqu’aux gobelets) durant les chutes de neige. Du coup, il reste plus de plaques en place. Ensuite, est-ce que les plaques qui restent après les chutes sont plus ou moins facilement déclenchables par des skieurs que celles qui restent quand il n’y a pas de croute entre les gobelets et la poudre ?

Faut pas être effrayé comme ça. Si la couche au-dessus des gobelets s’humidifie (même qu’en partie) et regèle, tu ne pourras plus déclencher de plaque au niveau des gobelets. Sauf éventuellement quand la couche regelée s’humidifiera à nouveau.

Il n’y a pas de transformation des gobelets sous la pression, c’est solide ces petite bêtes :slight_smile:
Par contre, la croute limite la reptation de la couche supérieure sur les gobelets. Or cette reptation participe à la stabilisation. Une pente sans croute pourra donc se stabiliser alors qu’une pente voisine avec croute restera déclenchable. En pratique ça doit être rare, d’autres phénomène engendrent de la stabilisation, variable selon les pentes mais pas dans le même sens.

Ayè, il a plu jusqu’à 2100-2200m par ici.
Qu’est-ce qu’on gagne ?
Des champs de boules, trop bien…

Posté en tant qu’invité par Christian73:

Bonsoir il y a quelques années, je pense il a au moins 20 ans il y a eu ce même phénomène peu de neige jusqu’à mi janvier tout était en gobelets en face N et NE une grosse tempéte est arrivée du SW pluie jusqu’à 3000m il y a eu avant quelques chutes de neige avant le redoux le gobelet a été cassé comme on dit en nivo ,cela a purgé un peu de partout puis grosse chute de neige venant d’W celà est normal puis quelques jours après quand le manteau est stabilisé j’ai vu dans une combe en altitude…la combe était toute partie à la cassure 1m50 environ d’épaisseur de neige tombé entre ses couches un plan de glissement de vieux gobelets humide, je pense que la charge de neige fraiche n’avait pas pu trouvé de cohésion avec le vielle sous-couche alors prudence …mais je pense que les couloirs encaissés seront moins dangereux que les grandes pentes larges ,ceci est un appercu avec l’expérience mais…par contre je pense, si il reneige pas mal en dessous de 2000m le massif des Bauges par exemple, aprés stabilisation du manteau neigeux ne sera pas mal ,car il y a eu peu de gobelet en face N , il a manqué de neige avant les fêtes il faudrait faire une coupe en face N pour vérifier…Il n’y a eu pas mal de dégats en début de saison,et,je pense que les randonneurs pensaient aux bonnes conditions de l’année dernière…actuellement je pense qu’il faut bien lire le BRA et ne pas voir que les chiffres

Des nouvelles du manteau neigeux : /outings/487708/fr/brevent-traversee-brevent-aiguillette-des-houches

C’est un point de vue issue d’une sortie, mais qui correspond à ce qu’on observe sur les profils du manteau neigeux ailleurs en Haute-Savoie (plus bas que 3000 m environ).

En résumé : ce n’est plus facile de déclencher sur la vieille couche fragile de gobelets, mais c’est encore possible dans les endroits raides pas très enneigés, avec risque de déclencher une grosse avalanche (grosse au sens de la perception du skieur, pas au sens de l’échelle européenne du risque d’avalanche).

Le risque est peut-être plus présent au Pays du Mont-Blanc que sur Aravis et Chablais, en effet il a plus neigé sur ces deux derniers massifs depuis fin décembre, la couche fragile y est donc probablement moins sensible au passage de skieurs (car plus enfouie)

Enfin malgré tout cela, quand on voit les sorties et le monde (sur c2c ou ailleurs…) ben quand même y’en a pas mal qui y cherchent… :rolleyes:

Nouvelle information qui confirme l’instabilité potentielle du manteau neigeux : Vendredi ou dans la nuit suivante, une avalanche naturelle s’est déclenchée dans les Aiguilles Rouges, dans le haut du vallon de Bérard, au niveau du glacier du Mort. L’avalanche, qui a terminé sa course à 2150 m d’altitude avec un dépôt de 200 m de largeur, est partie jusqu’au sol en versant nord.

Cette avalanche s’est décrochée spontanément après une petite chute de neige (environ 20 cm), soit sous le poids de celle-ci, soit à cause de la chute d’une corniche ou d’un départ naturel une plaque à vent suite au transport de neige par le foehn qui soufflait samedi.

On a très vraisemblablement un départ de grosse avalanche sur la couche de gobelets formés en décembre à cause d’une surcharge relativement faible.