Alpinisme au lac Baikal

Tout se passe dans le massif Saïan oriental à la frontière de la Russie et de la Mongolie. (Le sommet le plus élevé du Saïan oriental est le Mounkou Sardyk (3 492 mètres) à la frontière russo-mongole.)

Mois de mars. Je regroupe du matériel d’alpinisme et me prépare à découvrir cette discipline.

Une fois mon sac à dos bouclé – 27 kilos :confused: . Tôt le matin lors de mon départ de la maison, j’essaie de partir inaperçue, pour pas qu’ils sachent le poids de mon sac. :rolleyes:

On commence notre chemin à pied à partir d’un village de la république Bouriatie, qui se nomme Arshan. (Village à trois heures en voiture d’Irkoutsk).

Nous installons notre camp de base autour d’un refuge (maisonnette/cabane) en bois (en russe = zimovyo). Quelques-uns ont des tentes simples, on a une grande tente chapiteau d’hiver avec une petite cheminée. Les instructeurs, organisateurs, et les alpinistes expérimentés vivent dans la cabane.

Le lendemain de notre arrivée est destiné à organiser notre vie au sein du camp, on fait la révision de nos provisions, les garçons avec une tronçonneuse coupent le plus possible de bois pour qu’on en ait assez pour toute la durée du stage.

En Russie différents grades sont attribués aux alpinistes selon les courses qu’ils ont effectuées. Nous sommes donc divisés en groupes. Moi, je suis dans le groupe des débutants. Il y a aussi les « znachki » (ceux qui ont été déjà initiés et qui ont fait au moins une course 1B), puis les alpinistes du troisième grade, ceux du deuxième, quelques-uns du premier. (après, on peut encore devenir "candidat du « sportif professionnel », et ensuite « sportif professionnel »).

Nos insctructeurs sont justement "candidat du « sportif professionnel », et « sportif professionnel »). Il y a les frères Glazunov et leur ami Vladimir Ladyjensky. Ils ont gagné l’hiver dernier le championat d’alpinisme qui avait lieu à Ala Archa au Kirghizistan.

Et voilà, commencent les « cours de neige », on apprend à marcher sur des pentes enneigées, à se servir du piolet, on creuse une grotte dans la neige, on nous enterre sous la neige (pour que l’on comprenne ce que ça fait d’être recouvert par une avalanche), on apprend à faire des relais (ou un ancrage ?) avec le piolet ou la pelle enterrée dans la neige… Etc

Ensuite bien sûr, nous nous entraînons sur des rochers avec les crampons aux pieds. On découvre à quoi sert le jumar, comment descendre avec un huit (en rappel ?), comment faire des relais, comment marcher encordé.

Et enfin notre première ascension. Le pic Arshan , le tout se fait a pied, on s’encorde au bout d’un moment. Départ a 4h du matin, et retour au camp de base vers 19h…

À notre approche du camp de base, on entend « Camp, se mettre en rang ! » Et tous ceux qui étaient au camp s’alignent. Nous nous alignons en face d’eux. L’instructeur qui a effectue l’ascension avec nous fait un rapport « Camarade responsable de la sécurité, le groupe d’alpinistes débutants a effectué l’ascension du pic Arshan, en empruntant la voie qui est cotée 1B. Tout, s’est bien passé, pas d’accidents ni de blessures. »

Arrive le jour de repos bien mérite. Ce jour-ci (à la suite de différents évènements) j’ai même le droit à du courrier !! C’est une surprise inattendue et joyeuse de recevoir une lettre au milieu des montagnes enneigées, au milieu de la forêt !

Et le dernier jour encore une ascension. Au pic Trehglavaya Centrale. Marcher dans la neige, s’encorder, descendre en rappel et au lieu de descendre à pied, on a eu le droit de faire du toboggan ( glisser sur la neige, assis sur les fesses) dans un couloir où il n’y a pas de risque d’avalanche !! Comme dans les rêves d’enfance !

Et à notre retour au camp de base, on a eu le baptême d’alpinistes.

Dans le camp, nous préparions les repas sur le feu de camp, comme c’était encore l’hiver, nous avions de la viande, nous la gardions enterré dans la neige. D’habitude, les alpinistes plus expérimentés se servent du gaz pour se faire à manger.

Ça a été mon premier stage d’alpinisme, depuis j’ai eu l’occasion de faire un stage encore en juin et un autre en août. Les stages d’été ont été aussi extraordinaires.

En juin, il y avait avec nous une équipe de sauveteurs de Bouriatie qui eux aussi sont venus pour s’entraîner / se perfectionner.

Et en août, nous étions très peu et entre « les siens » ce qui a fait que l’ambiance et l’organisation étaient merveilleuses (plus besoin de se lever deux heures à l’avance pour préparer le ptit dej sur le feu pour tout le monde…).

(Photos des stages d’été je les poste la prochaine fois)

Je suis épatée par les alpinistes des montagnes du Baïkal - à la fois simples, forts techniquement, rudes et sévères, mais gentils.

Et comme à chaque fois, j’assiste aux stages en Russie, donc mon vocabulaire alpiniste en français est mauvais, je vous serais reconnaissante si vous me corrigiez, plus j’apprends de vocabulaire alpiniste français mieux c’est !

Tu es trop modeste. Je trouve la qualité du texte tout à fait remarquable. Pas ou très peu de fautes d’orthographe ou de grammaire, pas de fioritures, pas de formulations alambiquées… simplicité et sobriété. Bravo !

ce compliment venant du camarade Francois, il vaut vraiment son pesant d’or !
Car à lui tout seul, il fait mieux que n’importe quel correcteur orthographique de traitement de texte, mieux que l’ancienne touche F7 !

Sympa ton reportage sur les conditions d’apprentissage de l’alpinisme aux confins de la Russie et de la Mongolie.
C’est marrant, parce que je viens de finir un polar qui se déroule dans cette région, avec l’inspecteur Yeruldegger.

Au plaisir des reportages suivants !

Merci Nina N, ça fait vraiment envie !

B.A.

Oui trop cool, merci du partage !

Que c’est dépaysant…merci ! C’est curieux, je pensais que cette approche très « hiérarchique » empreinte de culture soviétique (sans jugement de valeur) qui était incontournable pour faire de la montagne à l’époque de l’URSS avait aujourd’hui disparu…

Si tu écris des choses en russe, à mon tour de te demander ou les lire pour dérouiller ma pratique (moins bonne que celle de la tienne en français !)

Excellents tes récits.
et en effet, je me faisais la même reflexion que Bertrand. Frappant comme on voit que les pratiques perdurent, au delà des systèmes politiques (non je ne parle pas du goulag :stuck_out_tongue: )

Excellent merci !!! Ca donne envie d’y aller, tout simplement !

Les conditions sont bonnes en décembre/janvier pour pratiquer là-bas ? C’est mon seul créneau possible pour pratiquer l’alpinisme plus de 1.5 jour consécutif

[quote=« elcap, id: 1861718, post:8, topic:169862 »]Excellent merci !!! Ca donne envie d’y aller, tout simplement !

Les conditions sont bonnes en décembre/janvier pour pratiquer là-bas ? C’est mon seul créneau possible pour pratiquer l’alpinisme plus de 1.5 jour consécutif[/quote]

Euh, la Sibérie en plein hiver, c’est … assez sibérien ! C’est pas le Baïkal mais on avait gardé un souvenir « glacial » de notre tentative dans l’Altaï (début mars, pourtant…)

tellement froid que ça en devient impraticable ? -80 ou un truc du genre ?

Merci beaucoup pour vos commentaires!! :smiley:

C’est vrai qu’il reste des empreintes de l’URSS, mais à ce que j’ai entendu dans les stages qui se déroulent au Caucase, où il y a plus de monde, tout est plus simple (pas d’alignement, de « camarades », etc)
Mais c’est vrai qu’il reste tout une organisation du temps de l’URSS. Après faut dire que je suis tombée sur les frères Glazunov qui eux sont plutôt fans des temps URSS, tout en acceptant et encourageant le progrès et l’évolution dans l’alpinisme et autre part.

[quote=« B.A., id: 1861524, post:4, topic:169862 »]Merci Nina N, ça fait vraiment envie !

B.A.[/quote]

Et si quelqu un a envie de découvrir un jour par lui-même - je serais heureuse d’aider, de traduire, de partager, d’accompagner : )

Au fait, en mars des allemands étaient venus, ils ont filmé. Voilà un le lien de la vidéo http://www.ardmediathek.de/tv/Biwak/Zu-Fu%C3%9F-%C3%BCber-den-Baikalsee-2-2/MDR-Fernsehen/Video?bcastId=7545396&documentId=35568884 C’est vrai, c’est en allemand, mais bon… On peut voir des cadres du stage à partir de la 20e minute.

Crampons, piolet, s’encorder, descendre en rappel, voie - ça a l’air d’être bon.
Dites s’il te plait, de quoi est fait un relais (par exemple, deux coinceurs et un friend), de « points »? « d’ancrages »?

Euh en debut décembre j’ai fait une petite rando, mais rando et alpi c’est pas la même chose. -30, -35… Je me renseigne un peu plus sur ce que on peut faire ces mois-ci en alpinisme et je te tiens au courant :wink:

-80 c’est en Antarctique hein !!

mais pas en décembre bien sur…

[quote=« lands, id: 1862075, post:12, topic:169862 »]

-80 c’est en Antarctique hein !!

mais pas en décembre bien sur…[/quote]

Verkhoïansk — Wikipédia (section « climat »)

C’est pas moins 80, mais on en est pas loin… et c’est un endroit habité, contrairement aux pôles…

Nina : 2 friends et un coinceur = points
Des ancrages pour moi c’est quelque chose qui est à demeure (spit/goujon/etc…)

Une des bibles en France : le site de l’école d’alpinisme qui forme les guides. Avec leur travail ils font évoluer les techniques.

http://www.ensa.sports.gouv.fr/

Merci pour le reportage et les photos.

[quote=« roufff, id: 1862099, post:13, topic:169862 »]Nina : 2 friends et un coinceur = points
Des ancrages pour moi c’est quelque chose qui est à demeure (spit/goujon/etc…)[/quote]
Merci pour le vocabulaire :slight_smile:

[quote=« lesud, id: 1862102, post:14, topic:169862 »]Une des bibles en France : le site de l’école d’alpinisme qui forme les guides. Avec leur travail ils font évoluer les techniques.

ensa.sports.gouv.fr/[/quote]
Et pour le lien!

Elcap - je me suis renseignée, décembre-janvier c’est praticable, mais pas très agreable :slight_smile:

Bonjour, beau témoignage et reportage intéressant.
Les photos sont jolies également.
Bonne continuation.

Grand merci pour les infos !

Bonjour,
C’est sympa et original : merci pour ce retour ! :slight_smile:

Fin juin, je bouclais mon sac à dos pour mon deuxième stage d’alpinisme.
Il se déroulait toujours dans le massif du Saïan Oriental, sauf que la dernière fois notre camp de base était situé dans le canyon (les gorges) de la rivière Kyngarga et que cette fois-ci, nous allons à Baroun.

Nous nous rendons à Arshan – village touristique au pied des montagnes - où doivent nous rejoindre une équipe de sauveteurs (russe МЧС = MCHS) (équivalent des sapeurs-pompiers français) de la république Bouriatie qui eux aussi participent au stage. Ils ont un gros camion « KAMAZ » avec lequel on doit pouvoir accéder au début de notre chemin, que nous emprunterons pour se rendre au camp de base.
Mais nous sommes obligés à les attendre un peu, car un promeneur vient de se perdre dans la nature et ils vont le chercher…

Pas de chance - il pleut. Nous arrivons à bord du KAMAZ à la clairière où on reste pour dormir et monter au camp le lendemain. Il pleut, il y a un million de moustiques et il faut installer les tentes pour la nuit… Faut dire qu’à ce moment, tu te demandes « Pourquoi je ne préfère pas rester à la maison au sec et au chaud ? ». Mais on a de la chance, les MCHS proposent que filles dorment dans le camion (yeees ! on va dormir au sec), ils ont même suspendu une couchette (comme dans un train, la couchette du haut) , et comme je suis la plus petite, c’est moi qui y dors. (Il ne faut pas croire que les MCHS se sont retrouvés dehors, c’est quand même leur camion et ils y dormaient, c’est juste qu’il y avait de la place, et nous étions pas nombreuses.)

J’ai adoré ce camion, déjà qu’il t’emmène presque n’importe où, c’est un véritable « maison » dedans. (Non, pas comme ces maisons, faites dans des bus et des camions, dont on voit des photos sur internet, où tout est chic moderne, etc. C’est rustique. Mais il y a tout pour vivre dans la nature.

Le beau temps tient quelques jours, on en profite pour faire un maximum de courses.

Ce stage-ci, mon instructeur et un Bouriate. Une personne très tranquille, encourageante et qui partage ses traditions. Au sommet du pic Monah (fr Pic Moine), on fait une pause pour un casse-croûte, Dashi « offre » quelques petits bouts de saucisson et chocolat à la montagne.(Tu te dis « Eh ne leur donne pas tout quand même… »)

Encore un jour de soleil – repos, baignade dans la rivière glacée, lessive, bronzette.

Et puis c’est tout, la pluie arrive et on reste au camp, on fait la grasse mat’, je cueille de la rhubarbe (qui pousse partout) pour faire de la compote. On s’invite au feu des MCHS, puis ils nous rendent la visite, on discute, on écoute des histoires, on rigole, on révise nos nœuds… On s’occupe comme on peut.

Un jour, au petit déj, nous sommes réunis autour du feu avec nos gamelles, on mange du « kacha » aux flocons d’avoine, avec du lait concentré et des fruits secs, un des MCHS vient nous voir
-Hum, vous mangez quoi ?
-Du kacha. Tu en veux ?
-Comment vous pouvez manger ça !? Nous, on mange de la viande !

Quand le temps s’améliore un peu, mais pas assez pour aller faire une course, on va en "cours sur rocher " : montée avec le jumar, traversée, descente en rappel, faire des relais… (ça c’est pour les pas très expérimentés).

Finalement, on redescend dans la vallée un jour plutôt que prévu, car la pluie à l’air de s’être installée définitivement.

Nos instructeurs, les frères Glazunov, partent en expédition, dans le cadre du projet « Vysota » (Hateur), où ils sont censés en un mois et demie monter au pic Lénine, pic Korjenevskaya, Pic Communisme, pic Pobeda et pic Khan-Tengri.

Pendant ce temps, on reste à Irkoutsk et quand on a l’occasion, nous allons grimper sur des falaises au bord du Baïkal. Endroit magnifique !

Arrive fin août, les Glazunov rentrent, ils ont étaient au pic Lénine, au pic Korjenevskaya, au pic Communisme par la voie classique. Mais comme ils ne sont pas des grands fans de l’alpinisme où il faut marcher, marcher, marcher dans la neige, ils décident de faire l’ascension au pic Khan-Tengri par la voie Sviridenko qui est cotée 6B.

Nous repartons à Baroun en espérant une météo favorable. Cette fois-ci, nous ne sommes pas nombreux est l’atmosphère est beaucoup plus « entre amis ».

Les jours où il y avait du beau temps chacun effectuait les courses de son niveau.

Le jour de notre repos, les Glazunov- instructeurs en profitent pour aller au pic Coupole, par une voie cotée 6A. Ils partent vers 4h30 du mat et nous suivons leur ascension par radio la journée. Ils reviennent vers 19h-20h au camp.

Baroun n’est pas une région énormément fréquentée, il est possible d’ouvrir des nouvelles voies, pendant notre séjour, nous en avons ouvert (si c’est bien comme ça que ça se dit) 3, mais des faciles, peu difficiles.

On a eu le droit à la première neige. Il y avait aussi d’innombrables baies à manger et des pommes de pin (pignons délicieux)!

De retour à Irkoutsk, on retrouve l’été et on en profite pour aller au Baïkal.
Journée d’escalade, où les instructeurs veillent bien à ce qu’on grimpe à chaque fois chacune en tête.
Ils nous installent la tente de paroi, on va dormir dedans « pour fins éducatives » (et puis parce que ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de dormir comme ça et c’est tentant). Il fait nuit, on récupère nos sacs de couchage au pied de la falaise, et on commence à monter sur le rocher par-derrière (là où on peut monter a pied), avec l’idée de rejoindre la tente sans se prendre la tête. Mais à peine parties, nous entendons « Vous allez où ? On vous a fixé la corde, enclenchez le jumar sur la corde et en avant ! Aller ! »

Puis pour finir l’été, en octobre, j’ai l’occasion de faire deux courses en Crimée. Endroit magnifique avec plein de voies à faire, il faut y retourner l’an prochain et y rester plus longtemps !

Et voilà ma saison d’été finie comme ça, fini le réveil au chaud… Dans moins d’une semaine stage d’alpi et rdv avec l’hiver !

La plus part des photos de Sergueï Glazunov et Aliona Panova

Merci Nina !