Moi je parlerai plus de mutation des pratiques (si on peut dire) que de déclin .
A partir d’un socle commun « l’alpinisme », basé notamment sur une logique d’exploration, d’aventures (et de compétition « le premier qui »…), la pratique s’est éclatée en de multiples activités
La première révolution fut l’escalade, du moyen d’atteindre un sommet, on en a détaché les techniques et on les a poussé au plus loin. On en a fait un sport à part entière, pour ne pas dire un art de vivre. On peut pratiquer la grimpe très indépendamment de l’alpinisme. D’ailleurs la mentalité n’est pas forcément la même.
Puis il y a eu la cascade de glace, les via-ferrata, le VTT de montagne, l’endurance trail, le kilomètre vertical, le skyrunning, le paralpinisme, le base jump, le wingsuit, la slackline…Les canyons aussi, bien que d’origine assez différente, il y a toujours cette logique d’exploration et d’aventure, qu’on parle de voies, de parcours, de tracé, de spot etc…
Des pratiques jugées moins engageantes sur le papier, mais c’est pas si simple : tu peux faire une escalade très engagée, un canyon très engagé, une slackline qui nécessite d’équiper un site en grimpe etc… la différence avec l’alpinisme c’est surement la capacité à moduler plus facilement ton temps. Fini les WE à rallonge en haute montagne, c’est bien pratique quant tu n’as qu’un samedi après-midi pour grimper, avant le dimanche gigot-fayots cuisiné par la belle mère !
C’est socialement plus acceptable, plus facile.
Avec ceci l’essor du ludique : fini l’esprit de sérieux de pépé Gaston, aujourd’hui nous vivons dans une époque anxiogène, avec une crise des représentations…Les bouquins sur le bien être pullulent. Plus le contexte est angoissant, plus c’est la dictature du bonheur : dans une société de loisir, on est là pour se faire plaisir. Une chose est sûre, tu trimbaleras plus facilement ta petite bouteille de pinard au pied d’une couenne qu’au sommet de l’Aiguille du Moine…
Attaché à cela, l’essor du léger : l 'émotion directe, sans toute cette logistique casse c****** de l’alpinisme. Tu passes ta semaine à t’organiser, à t’énerver de devoir penser à des tas de considérations matérielles fastidieuses, et faudrait encore recommencer le WE ? Et rependre ensuite la semaine de taf, illico ?
Après dire qu’il y a un recul de l’engagement, c’est discutable. A chaque activité, tu peux fortement engager selon le curseur que tu mets. Ce que les gens veulent, c’est la liberté. Quitte à entrer dans la société du zapping.
On cherche une adrénaline plus directe, plus brute de décoffrage, plus à l’emporte pièce (comme dirait Yoda « Do it or do not, there is no try ») que l’alpinisme : on va faire du base jump, de la wingsuit ou du skyrunning par exemple. Quitte à une pratique relevant de l’ « ordalie » : ça passe (t’es entier) ou ça casse (en mille morceaux).
L’engagement se fonde aussi plus sur l’endurance, tu le retrouves dans l’essor fulgurant du trail, un vrai phénomène qui agit la société des sportifs…surtout l’essor des ultras. Il y a un besoin irrépressible à aller au bout de soi, quitte à se faire mal (ou pas)
Et on cherche aussi l’émulation de la compétition, pourvoyeuse d’émotions sportives, on recite le trail, il y a le KV qui, c’est le cas de le dire, est une activité « montante », mais on peut parler aussi du ski-alpinisme. On aime le léger et la vitesse, compensant ainsi la relative monotonie (si on peut dire) des sentiers battus empruntés par 95% des compétitions.