Avalanches printanières à départs linéaires

Un grand nombre d’avalanches de neige humide à (très) gros départs linéaires se produisent ce printemps, notamment dans les versants froids.

Sur la Voie Normale du Col Jean Martin / Roche de la Muzelle (Ecrins), voilà par exemple ce qui est parti hier… Une cassure de presque 500 mètres de largeur, sans doute sur 2 ou 3 mètres d’épaisseur !

Idem en Nord sous le Pic des Cabottes (Belledonne) : Pic de la Belle Etoile, Versant Nord : Sortie du 02 mai 2015 par fredo73

Juste par curiosité, avez-vous observé - ou mieux photographié - d’autres « monstres » du même genre ces dernières semaines ?

Posté en tant qu’invité par Pi12:

Une avalanche depuis le pied de l’aiguille de l’M jusqu’au Planards à Cham et une autre dans un couloir à droite du glacier de Taconnaz qui est arrivé proche des maisons.

a priori une avalanche est partie de l’aiguille des Grands-Montets jusqu’au glacier d’Argentière, cassure supérieure à 1m

Posté en tant qu’invité par Mid:

Glacier des Grands (Région Trient - Suisse), cassure de près de 1000m de large, vers 2800m d’altitude, grosso modo entre le Glacier des Petoudes et la Croix des Berons…

pourquoi tu appelles ca « avalanches printanières départ linéaires »
C’est des avalanches de plaques, non ? qui certes peuvent aller jusqu’au fond et se produisent au printemps, mais ca reste le même déclenchement ?

Est-ce que les cristaux de neige auraient des propriétés différentes ces dernières années, de sorte qu’il y a du mal à constituer un manteau homogène ? On dirait que ce sont des plaques issues de chutes de début de saison et qui ont perduré en l’état.

[quote=« La Baltringue, id: 1730394, post:5, topic:153169 »]pourquoi tu appelles ca « avalanches printanières départ linéaires »
C’est des avalanches de plaques, non ? qui certes peuvent aller jusqu’au fond et se produisent au printemps, mais ca reste le même déclenchement ?[/quote]

Non, dans les cas observables ces derniers jours à altitude moyenne, le seul shéma d’avalanche de plaque - dans le sens hivernal du terme - n’est pas pertinent. Il y a une nuance printanière à ajouter.

En effet, la chaleur et une limite pluie/neige très élevée (>3000m), provoquent actuellement des avalanches de neige humide (grains ronds), déclenchées par une augmentation de la teneur en eau liquide du manteau. Généralement, on observe pour elles des départs ponctuels pouvant aller jusqu’au sol.

Mais cette année, avec le manteau neigeux très stratifié en profondeur dont nous héritons du début de saison, il y a une forte et inhabituelle proportion de départs linéaires. Les couches fragiles enfouies « supportent mal » l’alourdissement soudain de toutes les strates supérieures, et de petites croûtes de regel encore présentes favorisent apparemment la propagation linéaire (affirmation tirée de plusieurs sondages de battage fin-avril).

[quote=« Cédric C, id: 1730452, post:7, topic:153169 »]

[quote=« La Baltringue, id: 1730394, post:5, topic:153169 »]pourquoi tu appelles ca « avalanches printanières départ linéaires »
C’est des avalanches de plaques, non ? qui certes peuvent aller jusqu’au fond et se produisent au printemps, mais ca reste le même déclenchement ?[/quote]

Non, dans les cas observables ces derniers jours à altitude moyenne, le seul shéma d’avalanche de plaque - dans le sens hivernal du terme - n’est pas pertinent. Il y a une nuance printanière à ajouter.

En effet, la chaleur et une limite pluie/neige très élevée (>3000m), provoquent actuellement des avalanches de neige humide (grains ronds), déclenchées par une augmentation de la teneur en eau liquide du manteau. Généralement, on observe pour elles des départs ponctuels pouvant aller jusqu’au sol.

Mais cette année, avec le manteau neigeux très stratifié en profondeur dont nous héritons du début de saison, il y a une forte et inhabituelle proportion de départs linéaires. Les couches fragiles enfouies « supportent mal » l’alourdissement soudain de toutes les strates supérieures, et de petites croûtes de regel encore présentes favorisent apparemment la propagation linéaire (affirmation tirée de plusieurs sondages de battage fin-avril).[/quote]

je suis d’accord avec toi, ce ne sont pas des avalanches classiques de fonte, mais en effet des avalanches plus larges, qui partent à cause de la combinaison alourdissement+ couches fragiles enfouies. D’où pour moi le nom de plaques (à partir du moment où une couhe fragile est enfouie je pensais qu’on avait le droit de parler de plaque…)

A noter que l’année dernière il y a eu les mêmes avalanches en fin de saison. Même en plein été si j’en crois quelques guides croisés à Cham l’année dernière.

Il y a les plaques de neige sèche, les plaques de neige humide, et les plaques mixtes, mais dans tous les cas ce sont des plaques, dont le principe de déclenchement est le même :

  • Manteau comportant une couche avec de la cohésion surmontant une couche avec moins de cohésion (= couche fragile).
  • Les caractéristiques de la couche fragile et de la couche qui la surmonte évoluent jusqu’à permettre la propagation d’une rupture localisée de la couche fragile.
  • Un évènement déclenche la couche fragile localement (skieur, chamois, petite coulée qui passe sur la plaque, ou rupture spontanée par évolution des caractéristiques à cause de la pluie, du gradient ou de la neige fraiche qui s’empile).
  • Le déclenchement local se propage partout où il peut, réduisant la force de retenue de la couche du dessus par la couche fragile, et reportant la différence sur la périphérie de la zone déclenchée.
  • La différence de force reportée sur la périphérie varie avec le carré du rayon de la zone déclenché. Alors que la périphérie varie proportionnellement au rayon. La contrainte locale sur la périphérie augmente donc rapidement.
  • A la périphérie, quand la résistance en traction, compression et cisaillement de la couche du dessus est atteinte, elle casse en une cassure linéaire, et elle glisse.

C’est exactement le même principe pour toutes les plaques, que ce soit de la poudre, de la plaque à vent (grain fin), de la transfo sur l’épaisseur comme ici, ou même des feuilles mortes, du sable, de la farine, etc.

Pour ces avalanches, la couche fragile sont les gobelets formée en début de saison (ils ont commencé à se former en début de saison, et ont continué vu que ça n’empilait pas assez ensuite).
La couche du dessus est l’ensemble de tout ce qui est tombé dans la suite de la saison, et qui s’est grainfinisé, puis transformé en partie et consolider par le regel.
Les pluies et le soleil ont fini par humidifier toute cette couche, et même souvent les gobelets. L’humidification de la couche du dessus a fragilisé les ancrages et changer les caractéristiques de l’interface avec les gobelets, formant de nouveau une plaque déclenchable. Et même si les gobelets ont été humidifié, comme ils n’ont pas regelé, ils présentent encore une cohésion plus faible que la couche du dessus, et conservent leur propriété de couche fragile tant que l’humidification ne les a pas transformé suffisemment ou qu’ils regèlent suffisemment.

Ce genre de plaque arrivent tous les ans, mais d’habitude c’est plus rare, car l’humidification du manteau est rarement uniforme sur de grande surface, et il faut que des gobelets se soit conservé jusque là sans avoir déjà subi une avalanche de neige sèche ou avoir été brassés par le passage d’une coulée.

Posté en tant qu’invité par Mid:

En gros, ce sont des avalanches de plaque printanières, mais Cedric C préfère les appeler « Avalanches printanières à départs linéaires » afin de bien mettre en évidence le caractère particulier de ces avalanches de neige mouillée ?

J’ai tout bon ? :wink:

Merci Mid, c’est bien résumé ! :wink:

Bubu, inutile de faire ce long discours pompeux et plein de suffisance. Sans rentrer dans les détails professionnels, j’estime savoir à peu près de quoi je parle…

En nivologie, ce n’est pas moi qui le dit, le phénomène s’appelle « avalanche de neige humide à départ linéaire ». Il y a une nuance terminologique qui vise à différencier les neiges sèche et humidifiée. Ainsi que leurs éventuelles instabilités respectives. C’était tout ce que je voulais dire en écrivant que le seul shéma d’avalanche de plaque - dans le sens hivernal du terme - n’était pas suffisant pour qualifier ou définir exactement ce type de coulée. Car il faut préciser s’il s’agit d’une plaque dure, friable, ou… de neige humide !

Fin de la discussion en ce qui me concerne. Merci à ceux qui m’ont répondu.

Posté en tant qu’invité par Teysa:

Dans le même ordre d’idée, mais pas ce printemps. Voilà un autre exemple d’avalanche avec départ linéaire et neige mouillée… combinaison qui m’avais moi aussi interpelée.
Il s’agit de la face ouest de Teysachaux. Pentes hyper courues, y compris les différents couloir, de jour comme de nuit, on y croise toujours du monde. Le lieu de départ est un petit coin à peine moins parcouru (quoi que…) et qui prend un peu plus tard le soleil au vu des reliefs.
L’avalanche est probablement partie lors d’une bonne session de pluie sur la neige… (vu la météo exécrable de ce moment-là, il se pourrait bien que pour une fois il n’y avait personne sur la pente!)
La photo est prise 1 jour après (ou 2, j’sais plus), le 5.1.14, alors qu’entre temps le froid était revenu accompagné de quelques précipitations.

Posté en tant qu’invité par XR:

Pour une fois au contraire il a été relativement « sobre » et s’en est tenu à des considérations scientifiques sans jugement de valeur sur les personnes.

Mais visiblement tout le monde ne connait pas le jargon des nivologues. Je ne savais d’ailleurs pas que le nom « officiel » de ce genre de plaque s’appelait « avalanche de neige humide à départ linéaire » (j’ai déjà vu ce nom mais je pensais que c’était une formulation isolée pour décrire rapidement les traces), alors qu’en voyant une telle cassure on comprend facilement ce qui s’est passé, même si on ne connait pas le petit nom de ce type d’avalanche (j’appelle ça « plaque de neige humide »).
J’ai fait ma réponse à l’intention de ceux qui pouvaient se demander ce qu’était ce type d’avalanche en lisant le titre de la discussion. Un nouveau type d’avalanche ? Non non, c’est simplement une plaque, rien de nouveau…

J’étais donc complètement à côté de la… plaque, et te présente mes plus plates excuses pour ces propos Bubu
Les forums sont parfois source de malentendus - notamment je crois, en période météorologiquement pourrie !

Bonjour,
Dans la nuit du mercredi 29 au 30/04, une plaque de 150m de large, cassure estimée à 1m à 35°, est partie en face W du Dôme de la Cochette dans le massif des Grandes Rousses, vers 2600m.
La nuit, il était tombé 5-10cm de poudre dès 2100m, regel très mauvais même à 2600m (et soleil la journée).

Merci Cédric de remettre l’accent sur ces risques particulièrement importants actuellement!
Ce matin, température de 21 à 23° à 800m en Sud Isère. :confused:
Quelle « drôle » de saison 2014/2015!

Vous avez des infos intéressantes ici :

http://www.data-avalanche.org/

Bonne journée

Une belle trace d’avalanche de ce type en versant W des Trois Evechés, photographiée le 21 avril : http://geo.hmg.inpg.fr/mto/jpegs/150421/L/7924.jpg

Ah tiens, je venais la poster mais elle y est déjà.

Vue ce matin depuis la descente de l’aiguille d’Olle :