Je reviens de l’Ama Dablam. Malheureusement, la partie droite du Dablam, le gros sérac sous les pentes sommitales, est en train de s’ouvrir de plus en plus et lâche régulièrement des blocs de glace sur environ 200 m de la voie. Un sherpa a été tué et un guide autrichien gravement blessé début novembre. On remettra cela une autre année, la montagne sera toujours là.
Quelques commentaires pour ceux qui seraient intéressés par cette magnifique montagne :
- Le camp 3 (ou 2.7 ou 2.9) n’est plus utilisé car trop dangereux à cause du sérac évoqué ci-dessus. Ceux qui ont pu grimper au sommet (en octobre essentiellement) ont fait une grosse journée du camp 2 au sommet (quasiment 1000m de dénivelé) en partant vers 2h du matin pour le sommet vers 9h. Si le sérac a la bonne idée de tomber cet hiver, je pense que remettre un camp 3 à 6.400m sera possible, ce qui permettra une ascension finale au petit matin et avec une température plus chaude que la nuit himalayenne en novembre.
- La meilleure période pour aller au sommet est certainement la première quinzaine de novembre. Les sherpas considèrent qu’octobre, surtout au début, est trop instable pour la météo. Nous avons eu un temps magnifique tout le mois de novembre mis à part deux jours avec des nuages hauts.
- L’acclimatation, comme toujours, est vraiment essentielle et la disposition des camps ne rends pas la chose facile. Il y a beaucoup de dénivelé entre les camps de base (4.570m) et le Camp 1 (5.760m) - un ABC existe toutefois à 5.400m - et entre le Camp 2 et le sommet (6.866m). A partir du camp 1, le rythme est soutenu quasiment tout le temps. Ce n’est pas une idée idiote de s’acclimater plus progressivement sur un autre pic plus facile à proximité : Island Peak ou Lobuche, tous deux au delà de 6.000m.
- Si le camp de base est très propre, ce n’est pas le cas du camp 1 et, pire, le camp 2 qui est une latrine à ciel ouvert. J’ai rencontré une représentante du SPCC (Sagarmatha Polution Control Committee) qui m’a assuré qu’une expédition de nettoyage était en préparation. Cela n’est pas suffisant, il faut imposer des conditions strictes aux expés dans le futur. S’il est possible de garder propre une montagne comme le Denali (grâce aux règles strictes imposées par les rangers), il doit être possible de le faire au Népal.
- Il y a beaucoup de manoeuvres de cordes sur l’Ama Dablam : traverses, rappels etc… Rappel classique dans l’Himalaya… Faire attention aux vieilles cordes fixes ! Un alpiniste russe a perdu la vie cette année pour apparemment avoir mis son rappel sur une vieille corde.
Pour finir, un mot pour signaler un beau sauvetage : Simon, un client d’une expédition anglaise a fait demi tour au niveau du camp 3 face au risque de chute de sérac. Il n’était pas bien, sous Diamox (sans en avoir parlé à quiconque). Son sherpa a appelé de l’aide tout en redescendant vers le Camp 2. Mon sherpa, Pasang Tzering, travaillait pour cette compagnie anglaise depuis plusieurs années mais ils ne l’ont plus gardé suite au mouvement des sherpas cette année à l’Everest. Pasang a entendu l’appel et il ne s’est pas posé de questions : il est immédiatement monté vers 16h avec une bouteille d’oxygène rejoindre l’alpiniste en difficulté et son sherpa au camp 2 pour arriver au camp 1 en pleine nuit vers 20h30. La condition de Simon s’est alors détérioré, un oedème pulmonaire sévère a été diagnostiqué et Pasang a organisé un petit groupe de sherpas pour redescendre le client vers le camp de base plutôt que de faire monter un caisson hyperbare au camp 1. Le client ne pouvait plus bouger et, avec ses 90 kgs, il a été évacué à dos d’homme par Pasang et son petit groupe. Arrivé au camp de base à 3h30, il a été évacué par hélico au petit matin. J’ai rencontré Simon à Kathmandu, il va très bien et il est bien sûr infiniment reconnaissant à Pasang et tous les sherpas ayant participé à son secours.