Posté en tant qu’invité par Baltardive:
J’ai laissé passer un temps que je juge décent, depuis la mort de Heckmair et de Harrer, pour écrire ce que je pense être une mise au point et non un début de polémique.
Anderl Heckmair était déjà, avant la première de l’EigerWand un grand alpiniste, très complet avec une solide liste de courses dans le massif du mont Blanc et dans les Dolomites : dans ce domaine je ne voit guère que Gervasutti pour l’égaler.
Il a, certes souffert, dans sa jeunesse, de la situation catastrophique de l’économie de l’Allemagne des années 1930. Il y fait un peu allusion dans ses livres, mais ne parle pas de la montée du Nazisme !
Pourtant il est, toujours avant l’Eiger, déjà célèbre à Munich ; au point que son club, dépendant de l’organisation Nazie – il ne pouvait y avoir à l’époque de club indépendant- le sponsorise pour l’EigerWand. A l’aune de la situation actuelle cela paraît peu de chose (des pitons, des cordes, des crampons 12 pointes) mais pour l’époque c’est énorme (et Harrer l’enviera de cette fortune).
Après l’Eiger, le régime Nazi s’empare de lui pour en faire un exemple de l’héroïsme, du courage… Il a le droit aux réceptions chez Hitler, il écrit un Best Steller sur ses aventures. Il est même reçu directement en tête à tête par Hitler au sujet d’une expédition en Himalaya (c’est qui le raconte). Il devient le guide de Leni Rieffenstahl, cette cinéaste nazie, géniale, qui réalise de beaux films de montagne et surtout de propagande nazie (« La Victoire de la foi » « Les JO de Munich 1936 » voir
Mais Heckmair reste lucide, dit-il. Au point de voir les camps de concentration ouverts dès 1937, le massacre des Juifs lors de la « nuit de cristal »…… NON. Certes, résister à l’état Nazie était une entreprise presque suicidaire, mais Heckmair aurait pu facilement émigrer aux USA. D’autres l’ont fait.
Prudent tout de même, quand Hitler attaque la Russie, il fait jouer ses connaissances pour rester en Allemagne comme instructeur montagne dans un séminaire Nazi qui forme la jeune élite du Reich de « 1000 ans ». Là il réalise un exploit, plus grand que l’EigerWand
Lorsque la guerre se termine il rentre chez lui en se cachant et laisse passer le temps.
Et le temps passe vite : en 1947 Lionel Terray correspond avec lui, l’invite…. (je ne juge pas Terray, je crois qu’il était de bonne foi). Il redevient le vainqueur de l’EigerWand et même le président de l’association internationale des guides.
Notons qu’il continuera à pratiquer l’Alpinisme à un bon niveau : la Walker en 1954.
Heinrich Harrer était Autrichien. Probablement un bon sportif, endurant. Il a participé aux Jeux Olympiques de Munich en 1936. On ne sait quand il a adhéré au parti Nazi, mais certainement avant l’Anschluss (envahissement de l’Autriche par l’Allemagne) et il semble avoir été compromis dans l’assassinat du Chancelier Dolffus en 1934. Il deviendra après l’Eiger membre de la SS.
Harrer n’était pas un alpiniste de pointe avant l’Eiger, comme Heckmair, Vorg, et Kasparek. Cependant sa force lui permettra de porter un sac lourd et de dépitonner. Son escalade de l’Eiger lui permettra, en dehors de serrer la main d’Hitler, de partir en expédition en Inde, d’être fait prisonnier par les britanniques, de s’évader, de parvenir au Tibet, de devenir l’ami du Dalai Lama….
Et de revenir 7 ans après, « plein d’usage et de bonté », terminer sa vie dans l’Allemagne vidée de ses Nazis ( ! !).
Remarquons que ni Heckmair, ni Harrer, pourtant attaqués, n’ont admis s’être trompé. Ce qui aurait été la marque d’hommes responsables et forts.
Que disait Amicis ? Petits hommes, grandes montagnes.
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