Whoumfs et croûtes de regel

Posté en tant qu’invité par Lucio:

Voici un petit exercice de nivologie !

Ce mardi, nous avons préféré renoncer, vers 1650 m, dans les pentes d’accès au couloir Est du pas Morta. Le bulletin annonçait un risque 2 sous 1800 m et un
risque 3 au-dessus, la distinction étant sans doute liée à la limite pluie-neige de la perturbation de vendredi. Mise en situation…

En partant de la surface, le manteau neigeux est composé de :
(1) 15/20 cm de poudre soufflée (datant pour l’essentiel de la nuit de samedi à dimanche), s’humidifiant sous l’action du soleil, cohésion de type « plaque friable »
(2) couche plus dure (4 cm) : grains fins sur le dessus et grains ronds gelés dessous (pluie de la nuit de vendredi à samedi)
(3) 20 cm de grains fins mais sans cohésion (neige du milieu de semaine)
(4) vieille croûte de regel (épaisse et dure)

Nota :
-la couche (1) a tendance à glisser en bloc sur la couche (2) quand on lui retire ses ancrages (ex. après une conversion) et c’est une galère à tracer sans couteaux
-la couche (1) est peut-être un peu moins dense à sa base (?)
-la couche de surface se fissure de temps en temps lorsqu’on fait la trace
-des chamois font partir une coulée (couche de surface uniquement)
-les « whoumfs » sont incessants

C’est à vous ! La pente est à 35°, large, convexe, et se prolonge sous vos pieds sur environ 400 m (ensuite c’est la forêt). Le départ du couloir se trouve 50 m au-dessus de vous. Dedans, c’est probablement meilleur. Un « whoumf » plus fort que les autres parvient à vos oreilles. Vous vous dites :

  1. Il a plu, le manteau doit maintenant être stabilisé. (Vous continuez et mentionnerez « poudre sur croûte » dans la partie « Nivologie » de votre compte-rendu.)
  2. Le whoumf cherche peut-être à me dire quelque chose. (Vous descendez et prendrez quelques avis sur le forum.)

En bref :
-un « whoumf » dans une pente à plus de 30° est-il forcément alarmant ? S’il indique la présence d’une couche fragile, quelle est-elle ? Et qui peut jouer le rôle de plaque ?
-la présence d’une croûte de regel doit-elle nous rassurer ?
-puisqu’une croûte de regel sur une neige meuble forme en toute logique une plaque, doit-on s’en inquiéter si elle est fine et pas « béton béton » ?
-qn pour une analyse précise des risques présentés par la structure décrite ?

Merci aux personnes un peu éclairées sur les questions de nivologie d’apporter quelques éléments de réponse à mes interrogations…

Posté en tant qu’invité par Lucio:

N38060311
BULLETIN D’ESTIMATION DU RISQUE D’AVALANCHE de l’ISERE
valable hors des pistes balisées et ouvertes
POUR LE MARDI 7 MARS (rédigé le lundi 6 mars)

ESTIMATION DES RISQUES JUSQU’A MARDI SOIR :
SUR L’ENSEMBLE DES MASSIFS :
Plus haut que 1800 m environ :
Risque marqué, niveau 3 partout sauf en Oisans : Risque Fort, niveau 4.
Plus bas que 1800 m environ : Risque limité, niveau 2.

APERCU METEO JUSQU’A MARDI SOIR :
Quelques cm de neige possibles dans la nuit de lundi à mardi puis le
ciel
se dégage mardi matin.
L’après-midi le soleil sera voilé à très haute altitude, annonçant une
perturbation pour la nuit suivante…
Isotherme 0°C : en légère hausse vers 600m.
Vent à 1500m : nord 30/40 km/h côté Vercors, faiblissant en fin de
journée.
Vent à 3000m : Nord 80 km/h jusqu’à mardi midi puis Nord-ouest 60 km/h.

CONDITIONS D’ENNEIGEMENT :
Bon enneigement pour la saison en moyenne montagne. Mais à proximité
des
crêtes et en haute montagne, malgré les récentes chutes de neige
l’enneigement reste irrégulier avec des combes remplies et des secteurs
dégarnis… Les chutes de neige du week-end ont donné jusqu’à 20/30cm
sur
les sommets des Préalpes, 50 à 70 cm de l’Oisans aux Grandes Rousses et
à
l’Armet.
Epaisseur moyenne du manteau neigeux : à 2000m : 1m60, à 1500m : 90 cm.
Les limites skiables varient entre 1000m en plein nord et 1200 à 1400m
en
pentes sud.
Qualité de la neige pour mardi :
Neige froide jusqu’à basse altitude. Elle repose sur une neige plus ou
moins humide ou croutée en moyenne montagne (jusque vers 1800m). Près
des
crêtes en altitude, neige cartonnée ou durcie alternant avec des
accumulations parfois grosses…

STABILITE DU MANTEAU NEIGEUX :
DE NOMBREUSES PLAQUES EN HAUTE MONTAGNE, ENCORE PLUS FRAGILES EN
OISANS…

Les perturbations de la fin de semaine passée ont apporté de la pluie
jusque vers 1800m. Avec le refroidissement le manteau neigeux s’est
consolidé en moyenne montagne. On craint tout au plus une coulée
superficielle en face Sud, voir très localement une avalanche de fond
sur
une pente herbeuse… En dessous de 1800m, près des crêtes, on peut
parfois déclencher une plaque, mais à priori pas assez épaisse pour
ensevelir un skieur…

En revanche plus en altitude, les chutes de neige - relativement
modérées
sur les Préalpes - on été importantes de Belledonne à l’Oisans et
surtout
sur les Grandes Rousses et le Grand Armet (avec 30 à 50 cm
d’accroissement). Des plaques et accumulations ont été formées par vent
de Sud à Sud-Ouest samedi puis de Nord à partir de dimanche. De
nombreux
déclenchements préventifs on été réalisés sur nos stations de ski, avec
d’importantes cassures en altitude, parfois provoquées à grande
distance.
Dans une face Est des 2 Alpes on a même observé (dimanche dernier) un
décrochement exceptionnel emportant toute la pente jusqu’au sol, sur
environ 500m de large.
Ce mardi le vent de Nord qui perdure finit par compacter et localement
consolider la neige dans certains secteurs. Ceci dit dans toutes les
pentes moins ventées ou abritées, le risque de déclencher une avalanche
de plaque reste marqué, parfois même au passage d’un seul skieur… On
se
méfiera encore plus en Oisans car les sous couches enfouies sont
fragiles
dans presque toutes les orientations. Un éventuel départ superficiel
pourrait entrainer toute la neige en place…

TENDANCE ULTERIEURE DES RISQUES :
En légère hausse pour mercredi car l’on envisage 15 à 20 cm de neige
fraîche soufflée au dessus de 1700m.

Posté en tant qu’invité par Napator:

Ouais, ben pas facile de se faire une idée précise. Ce qui est sûr c’est que l’on ne peut pas vous critiquer d’avoir fait demi-tour vu la description que tu fais de la pente.
Les whoums sont normalement mauvais signe.
Par contre ne te trompes-tu pas en ce qui concerne la couche 3 ? Parce que les grains fins ont toujours de la cohésion, sauf erreur de ma part. A priori, c’est cette couche qui me parait suspecte et probablement susceptible de se tasser sous une surcharge et de provoquer les whoums voire l’avalanche fatale.
Mais bon, je ne suis loin d’être sûr de ma théorie.

Posté en tant qu’invité par Alexis:

Ce mardi, j’étais en versant ouest dans le Vercors, même genre d’altitude (vu le BRA de la veille !) au col de la Pierre Vivari.

En partant de la surface, le manteau neigeux est composé de :
(1) 15/20 cm de poudre soufflée (datant pour l’essentiel de la
nuit de samedi à dimanche), s’humidifiant sous l’action du
soleil, cohésion de type « plaque friable »

Due à l’orientation et au fait que cette combe prend mal le soleil, protégée comme elle est par la croupe des Rochers de l’Ours, cette couche n’était pas en train de s’humidifier du tout. De plus, il restait des plaques antérieures (entre la dernière pluie et mardi dernier) plus épaisses (genre 80cm).

Nota :
-la couche (1) a tendance à glisser en bloc sur la couche (2)
quand on lui retire ses ancrages (ex. après une conversion) et
c’est une galère à tracer sans couteaux
-des chamois font partir une coulée (couche de surface
uniquement)

Exactement comme pour ma sortie. J’ai sorti les couteaux pour mieux tenir. Résultat, plus haut, la neige est partie en plaques d’une dizaine de mètre sur une dizaine de cm d’épais (jusqu’à la croûte de regel qui me faisait chier sans couteau en fait) autour de moi, sans conséquence. Bref, je suis passé à pied les skis sur le sac dans le très raide où la dernière neige n’adhérait pas et où seule subsistait la croûte de regel de la dernière pluie assez portante, et je ne suis pas redescendu par là. Si je n’avais pu passer dans du plus raide, j’aurions fait demi-tour … Mais je ne peux t’en dire plus, n’étant pas nivologue.

Alexis

Posté en tant qu’invité par XR:

Des fissures quand on fait la trace plus des woufs incessants, dans ces conditions je pense que je n’aurai pas attendu de monter 400 m dans une pente à 35° avant de faire demi tour. Maintenant je ne connais pas ce secteur peut être y a t-il un itinéraire de montée sûr. Pour les woufs je ne suis pas certain qu’ils indiquent la présence à coup sur d’une couche fragile. Ils indiquent un tassement de la couche supérieure mais peut être que ce qu’il y a dessous est solide. Enfin selon ta description il me semble qu’un risque 3 était plus adapté au moment de ton passage dans ce secteur (considération toute personnelle je suis loin d’être un spécialiste).

Posté en tant qu’invité par Tintin:

En Chartreuse ce même jour, j’ai moi même été gratifié d’un whoumf vers 1900m, au voisinage des crêtes (bien que le vent ne semblait pas avoir eu de gros effets sur le manteau plus bas).

Par contre, la limite de la sous-couche dure était vers 1600m, au dessus, la sous-couche était beaucoup plus meuble (on enfonçait facilement le baton en entier), mais j’ai eu la flemme de faire une coupe.

Est ce que vous n’étiez pas justement à l’altitude de la limite de cette croute de regel, avec un manteau plus craignos dans les pentes au dessus ?

En tous cas, j’aurais aussi fait 1/2 tour dans les circonstances que tu décris. En plus t’étais à l’heure au boulot comme ça ;o)

Posté en tant qu’invité par Lucio:

Je te rassure ;-), on est monté par la croupe boisée qui arrive un peu au nord du pas Morta. En revanche, le pas Morta, lui, domine une grande trouée. Quelques photos de la sortie ici.

XR a écrit:

dans ces conditions je pense que je n’aurai pas attendu de
monter 400 m dans une pente à 35° avant de faire demi tour

Posté en tant qu’invité par papaseb:

Perso, le dernier gros whoumfs que j’ai entendu sous mes pieds c’est terminé 200m plus bas ensevelis jusqu’a la taille…alors je peux te dire que si j’entends le moindre « whoumfs » pendant que je randonne, je detale direct!!!

C’etait un jours de bonne poudreuse, risque 3, je me suis arreté en haut d’un petit couloir pour voir par ou j’allais descendre, et attendre le reste du groupe…sa a fait « whoumfs » et je suis descendu sur une grosse plaque et par chance je n’ai été enseveli que jusqu’a la taille…vite sorti, tout c’est bien terminé!!!

Mais j’ai juré qu’on ne m’y reprendrais plus!!

Posté en tant qu’invité par Nicolas:

Lucio a écrit:

-un « whoumf » dans une pente à plus de 30° est-il forcément
alarmant ? S’il indique la présence d’une couche fragile,
quelle est-elle ? Et qui peut jouer le rôle de plaque ?

Pour moi, je trouve plutôt qu’un whoumpfe annonce avec (très relative bien sûr) certitude qu’il y a une couche fragile en compression, et de là à penser que la couche fragile en compression l’est aussi au cisaillement, il n’y a qu’un pas.

Cf. cet article (pdf 60 ko) par exemple. Y’en a d’autres (du même labo) .

Perso je trouve que ça justifie très largement un demi-tour…

-la présence d’une croûte de regel doit-elle nous rassurer ?

Mon interrogation de mécanicien : est-elle capable de renforcer suffisamment le manteau neigeux, ie d’absorber les contraintes sans casser?
Si elle est fine et fragile, elle a des chances d’être transparente de ce point de vue?
Donc, pas très rassurante dans ce cas…

Posté en tant qu’invité par Francois:

En ce qui me concerne, je ne me casserais pas la tête: woums + pente > 30° = danger = demi-tour dare-dare, sans chercher à faire une analyse plus « approfondie ».

Posté en tant qu’invité par Lucio:

Oui, tu as raison. Ce n’était pas vraiment des grains fins mais peut-être plutôt des particules reconnaissables. Il est vrai qu’une couche de grains fins n’est pas un très bon candidat pour jouer le rôle de la couche fragile !

En tout cas, bien que n’étant pas constituée de faces planes / gobelets / neige roulée / givre de surface, la cohésion de cette couche (3) m’a semblé relativement médiocre.

Napator a écrit:

Par contre ne te trompes-tu pas en ce qui concerne la couche 3
? Parce que les grains fins ont toujours de la cohésion, sauf
erreur de ma part. A priori, c’est cette couche qui me parait
suspecte et probablement susceptible de se tasser sous une
surcharge et de provoquer les whoums voire l’avalanche fatale.
Mais bon, je ne suis loin d’être sûr de ma théorie.

Posté en tant qu’invité par tom:

les whoumfs sont les consequences de l effondrement d une couche fragile du manteau et l effondrement d une couche fragile c est l etape n 1 du declenchement d avalanche de plaque.
Si t entends un whoumfs et que rien ne bouge t as eu du bol et a priori la plaque devrait rester en place.
Dans une pente a 30 degre t as eu beaucoup de bol.Je pense que si c etait parti la cassure aurait ete lenaire situee au dessus de vous ( juste au pied du couloir c est un cas frequent) et d une epaisseur des couches 1 + 2 donc une bonne epaisseur des familles, la couche 3 sans cohesion devait faire la couche fragile.
La croute de regel dans tout ca…sauf si elle est a la surface si tu vois ce que je veux dire.
Etant arrives sans encombres là ou vous etes arrives je pense que vous auriez pu sortir ca devait etre meilleur dans le couloir.
La prochaine fois que ca fissure devant tes skis rentre vite vite, le premier signe de danger il etait là.
maintenant moi je suis pas expert et d autres en diront plus ou mieux